Très probablement que la majorité de la population suisse, des peuples européens et du monde en général - les yeux déjà ouverts ou dessillés par les médias les plus affûtés – réalise peu à peu que les secousses socioéconomiques qu’elle est en train de vivre (ici, licenciements de cadres bancaires; là, manque de places d’apprentissage; partout, destitution de l’épargne; là-bas, soumission aux prix spéculatifs des céréales, etc.) relèvent d’une logique et d’un sens politiquement peu avouables. En effet, la finalité de la société moderne et de ses structures, déclinantes ma foi, consiste à assurer une rente régulière, peut-être ingénieuse et surtout astronomique à 1 % de la population mondiale, ou 0,1%; à moins que cela ne soit 0,01% ? En fait, ce taux décroît proportionnellement au nombre de zéros que l’on ajoute à ce revenu de sommets inconditionnels...
Le profit financier et spéculatif a pu être un bon moteur, cependant qu’il est subordonné à des objectifs supérieurs - dans la hiérarchie du bon sens s’entend. Car comme seule finalité sociétale, il devient « autophage », un profit se faisant phagocyter par la possibilité d’un plus juteux encore, au sacrifice pour ainsi dire de n’importe qui ou de n’importe quoi. Néanmoins, nous les gens ordinaires, nous n’entendons parler que des objectifs secondaires , inféodés à cette finalité première, et relayés officiellement par les médias et les acteurs politiques et économiques: croissance, relance - par consommation ou austérité - accords de libre-échange, protectionnisme modéré, compétitivité internationale, etc. Mais curieusement les flux monétaires convergent et grimpent toujours plus haut vers le faîte de la pyramide, caché dans le brouillard de la stratosphère financière.
Tout cela a marché cahin-caha et nous en sommes plus ou moins satisfaits, alors même que l’on court à s’essouffler et à se brûler les nerfs et le corps après notre mérite salarial - et les bonus pour certains d’entre nous - basé sur le couple solidement attaché entre travail dit productif et revenu accordé. Il y a pourtant bien d’autres aspects de la vie en société que l’on a laissés derrière nous, relégués aujourd’hui au deuxième ou troisième rang des objectifs politiques, pourtant plus nobles, socialement tout aussi - voire plus - productifs, créateurs de citoyenneté et soulageant nos âmes vides, nos corps stressés et la nature épuisée... Le Revenu de Base Inconditionnel (RBI) les remet au cœur de notre vie économique et sociale:
Les voilà les prémices tant attendus d’une nouvelle Renaissance, qui participe à la finalité d’une société réenchantée que la Suisse, inspiratrice d’une civilisation européenne voire planétaire digne de ce nom, pourra porter : une démocratie économique et sociale, coopérative et intégrative, au centre de laquelle le RBI constitue l’instrument lucide et intelligemment conçu pour élever ces objectifs à un niveau politiquement prioritaire. Tout en libérant du temps social, le RBI nous libère de nos soucis matériels, de l’impasse matérialiste et de ses corollaires que sont le vol, la violence et la dépendance consommatoire en tout genre.
Contrairement au profit inconditionnel, il se met au service de la créativité, et non de la cupidité, du soin de l’autre et non du pillage organisé, en procurant de la fraîcheur à la responsabilité individuelle et à la solidarité collective. En tant qu’assureur social efficient, débureaucratisé et universel de nos besoins vitaux, il redonne un sens à l’Etat de droits humains ainsi qu’à notre communauté de devoirs citoyens que la situation non viable de notre économie nous incombe d’assumer. En parfaite complémentarité ou mieux, en synergie avec des mesures de recadrage financier et de fiscalité écologique, le RBI porte en lui les gènes de la régulation civilisatrice de l’économie et d’une nouvelle croissance au service de la Vie…100% de la vie !
Alexandre Burnand, Politique Intégrale (groupe Léman), le 15.11.12