A partir de 1981, suite à un remariage, je fus au chômage non indemnisé parce que mon mari ne voulait pas que je travaille. J'estimais donc que je n'avais pas à demander des indemnisations. (Mais je connais le stress lié au manque d'argent. Cependant, puisque je n'avais pas d'emploi, je pouvais utiliser mon temps libre au service de mes contemporains.)
Comme je déteste rester inactive, j'ai commencé par faire des visites aux personnes dans un "mouroir" d'hôpital. Le terme est choquant mais c'est bien ce dont il s'agissait puisque c'était des personnes en fin de vie, sans famille à priori pour veiller sur elles. Puis, comme ma formation était celle de gestion du personnel, je me suis rendue compte qu'une personne avait une retraite suffisante pour lui permettre de vivre avec sa soeur plus âgée qu'elle, si elles étaient aidées. J'ai donc plaidé la cause de l'une d'elles, et après avoir obtenu son accord, auprès du juge des tutelles. J'ai prouvée que les retraites des deux soeurs permettaient d'embaucher 3 personnes qui à tour de rôle veilleraient sur elles deux. Le directeur de l'hôpital était furieux mais la convention collective avait prévu que des patients puissent être absents le même temps que les semaines de congés payés ! (C'est illogique puisque la maladie se moque bien des temps de vacances, mais c'était écrit dans la convention hospitalière, donc il était possible de faire un essai). L'expérience fut positive: les deux soeurs ont vieilli ensemble, chez elles.
Après, dans les années 87, j'ai mis sur pied une association pour les retraités et les pré-retraités. En effet en France, l'éducation est mobilisée pour le travail. Ces post-salariés vivaient très mal leur pré-retraite. Nous avons donc mis sur pied des activités surtout sportives : lundi: thé dansant, mardi: piscine, mercred: frisbee, jeudi: parcours de santé, vendredi: gymnastique douce. L'enthousiame des quinqua et sexagénaires fut telle que la mairie m'a demandé de laisser ma place au responsable des pompiers qui prenait alors sa retraite. L'association avait un millier d'adhérants environ ! Comme c'est en A.G. que se décide le nouveau bureau, j'ai donc proposé ma démission. Malheureusement le nouveau bureau n'a pas su ou pu garder cet enthousiasme, et les adhérents ne savaient pas comment fonctionne les associations loi 1901. Ce fut une première leçon vers la démocratie.
Comme nous habitions dans une cité HLM, j'ai constaté que les enfants n'avaient pas de piste cyclable pour circuler en sécurité entre les immeubles. Avec les enfants, nous avons donc proposé un parcours qui passait devant les appartements, afin que les mamans puissent apercevoir leur progéniture (de temps en temps). Nous avons peint le tracé, piqueté la pelouse(le gardien a failli faire une crise cardiaque de colère) quand celle-ci était entamée par le circuit, proposé à la critique ce que nous souhaitions. Je me souviens qu'une habitante était venue me voir pour me remercier car depuis qu'elle habitait le quartier, elle n'avait jamais pris le temps de visiter la cité(elle l'avait découvert en suivant le tracé) ! Un autre gardien m'a même suggéré qu'il était possible d'empiéter davantage sur les parkings(protégés par des parpaings) afin de permettre que le circuit garde toujours sa largeur initiale de 80 cm de large. Des parents étaient prêts à donner du temps pour "construire" ce circuit. Mon erreur fut de demander les autorisations. Jamais le circuit n'a été réalisé. Les enfants ont fait une pétition, ont porté cette pétition aux élus(qui furent très surpris par la demande-je n'étais pas au courant, je l'ai appris au cours de la 1ère réunion de quartier) Jamais les élus ne se sont sentis concernés par la demande des enfants. Deuxième leçon vers la démocratie.
Un autre quartier encore plus mal loti que le nôtre, habité par une majorité de Marocains. C'était en 1995 je crois. Le thème des discussions était "Etranges étrangers"(je crois) et j'y ai appris que la France avait fait des promesses non-tenues aux Marocains. J'ai donc écrit à la mairie pour leur dire que je pouvais admettre qu'on oublie les enfants mais qu'il était de notre devoir de citoyens de veiller sur les populations étrangères afin qu'elles s'intègrent, et dans ce but je demandais qu'un local soit mis à la disposition des jeunes Marocains. Cétait au moment des cantonales et le local fut ouvert, mais refermé presqu'aussitôt. Je suis un jour allée voir comment ça se passait, le local était bien refermé. Les jeunes hommes étaient solitaires, désoeuvrés, à l'abandon. Dés qu'ils ont vu ma voiture ils ont fondu sur moi, et moi j'avais peur d'eux , enfermée dans ma voiture. Il n'y avait aucune agressivité mais un appel au secours :"aidez-nous!" J'ai donc ouvert ma vitre (un peu) pour dire "que voulez-vous que je fasse?.- Madame, vous pouvez nous aider à écrire une lettre? - Oui, à condition que vous trouviez du papier, que vous me dictiez la lettre et un endroit où je puisse écrire le brouillon." Ce fut fait. Mais un salarié(animateur de métier) m'a demandé si je n'exagérais pas! je lui ai répondu que la lettre était un brouillon et qu'elle était adressée à la mairie. La mairie est en mesure de savoir que répondre à la demande, non?" le local fut ré-ouvert. Je suis allée avec du matériel pour le nettoyer et là, une dame "bien-mise-de-sa-personne" m'a demandé ce que je venais faire ici, puisque je n'était pas du quartier. "Voir où passe mes impôts et parce qu'en France il n'y a pas de ghetto." De nouveau le lendemain même acteurs. La question cette fois-ci fut "Ici, c'est un point "Ecoute Jeunes", vous n'êtes pas jeune, que venez-vous faire ici ?" et ma réponse fut : "en France la société est mixte, la mairie n'offrira jamais un chaperon aux jeunes filles qui viendront ici. Je veux que les mères des jeunes filles sachent qu'elles peuvent laisser leurs filles venir en confiance, il y a une grand-mère qui veillera sur elles" Puis le local a pris sa vitesse de croisière et j'y allais le mercredi après-midi. Mais les jeunes hommes n'avaient aucune proposition, aucun intérêt, rien ne semblait les intéresser. Après 3 mois d'effort pour faire bouger les choses, je leur ai dit que je ne viendrai plus. Stupéfaction et réflexion:"Madame, vous ne pouvais pas. - Pourquoi ne puis-je pas partir?- Parce que vous êtes salariée et que ce n'est pas le salarié qui peut dire ce qu'il fait ou pas. - Non, je ne suis pas salariée, et vous êtes tellement lourds que je suis épuisée. Si vous ne comprenez pas qu'il faut saisir sa chance lorsqu'elle arrive tant pis pour vous, je me casse. Il y a un temps pour tout." Et je n'y ai plus remis les pieds pendant 7 mois, date où je suis revenue leur signaler que le Théléthon se mettait en place et qu'ils avaient la possibilité de faire connaître leur talent. Ce furent les jeunes filles et leurs mères qui ont fait une vraie fête et ce fut le début de leur entrée dans la vie de la localité. 3ième leçon vers la démocratie.
J'ai fait encore beaucoup de scandales mais ce n'est que pour montrer qu'il est possible d'agir.
Soulever l'espérance chez les humains n'est pas chose aisée. Mais la phrase de Richard Wurmbrand est vraie : " l'espoir le plus dépourvu de fondement est plus fondé que le désespoir le plus raisonnable."
A partir de 1981, suite à un remariage, je fus au chômage non indemnisé parce que mon mari ne voulait pas que je travaille. J'estimais donc que je n'avais pas à demander des indemnisations. (Mais je connais le stress lié au manque d'argent. Cependant, puisque je n'avais pas d'emploi, je pouvais utiliser mon temps libre au service de mes contemporains.)
Comme je déteste rester inactive, j'ai commencé par faire des visites aux personnes dans un "mouroir" d'hôpital. Le terme est choquant mais c'est bien ce dont il s'agissait puisque c'était des personnes en fin de vie, sans famille à priori pour veiller sur elles. Puis, comme ma formation était celle de gestion du personnel, je me suis rendue compte qu'une personne avait une retraite suffisante pour lui permettre de vivre avec sa soeur plus âgée qu'elle, si elles étaient aidées. J'ai donc plaidé la cause de l'une d'elles, et après avoir obtenu son accord, auprès du juge des tutelles. J'ai prouvée que les retraites des deux soeurs permettaient d'embaucher 3 personnes qui à tour de rôle veilleraient sur elles deux. Le directeur de l'hôpital était furieux mais la convention collective avait prévu que des patients puissent être absents le même temps que les semaines de congés payés ! (C'est illogique puisque la maladie se moque bien des temps de vacances, mais c'était écrit dans la convention hospitalière, donc il était possible de faire un essai). L'expérience fut positive: les deux soeurs ont vieilli ensemble, chez elles.
Après, dans les années 87, j'ai mis sur pied une association pour les retraités et les pré-retraités. En effet en France, l'éducation est mobilisée pour le travail. Ces post-salariés vivaient très mal leur pré-retraite. Nous avons donc mis sur pied des activités surtout sportives : lundi: thé dansant, mardi: piscine, mercred: frisbee, jeudi: parcours de santé, vendredi: gymnastique douce. L'enthousiame des quinqua et sexagénaires fut telle que la mairie m'a demandé de laisser ma place au responsable des pompiers qui prenait alors sa retraite. L'association avait un millier d'adhérants environ ! Comme c'est en A.G. que se décide le nouveau bureau, j'ai donc proposé ma démission. Malheureusement le nouveau bureau n'a pas su ou pu garder cet enthousiasme, et les adhérents ne savaient pas comment fonctionne les associations loi 1901. Ce fut une première leçon vers la démocratie.
Comme nous habitions dans une cité HLM, j'ai constaté que les enfants n'avaient pas de piste cyclable pour circuler en sécurité entre les immeubles. Avec les enfants, nous avons donc proposé un parcours qui passait devant les appartements, afin que les mamans puissent apercevoir leur progéniture (de temps en temps). Nous avons peint le tracé, piqueté la pelouse(le gardien a failli faire une crise cardiaque de colère) quand celle-ci était entamée par le circuit, proposé à la critique ce que nous souhaitions. Je me souviens qu'une habitante était venue me voir pour me remercier car depuis qu'elle habitait le quartier, elle n'avait jamais pris le temps de visiter la cité(elle l'avait découvert en suivant le tracé) ! Un autre gardien m'a même suggéré qu'il était possible d'empiéter davantage sur les parkings(protégés par des parpaings) afin de permettre que le circuit garde toujours sa largeur initiale de 80 cm de large. Des parents étaient prêts à donner du temps pour "construire" ce circuit. Mon erreur fut de demander les autorisations. Jamais le circuit n'a été réalisé. Les enfants ont fait une pétition, ont porté cette pétition aux élus(qui furent très surpris par la demande-je n'étais pas au courant, je l'ai appris au cours de la 1ère réunion de quartier) Jamais les élus ne se sont sentis concernés par la demande des enfants. Deuxième leçon vers la démocratie.
Un autre quartier encore plus mal loti que le nôtre, habité par une majorité de Marocains. C'était en 1995 je crois. Le thème des discussions était "Etranges étrangers"(je crois) et j'y ai appris que la France avait fait des promesses non-tenues aux Marocains. J'ai donc écrit à la mairie pour leur dire que je pouvais admettre qu'on oublie les enfants mais qu'il était de notre devoir de citoyens de veiller sur les populations étrangères afin qu'elles s'intègrent, et dans ce but je demandais qu'un local soit mis à la disposition des jeunes Marocains. Cétait au moment des cantonales et le local fut ouvert, mais refermé presqu'aussitôt. Je suis un jour allée voir comment ça se passait, le local était bien refermé. Les jeunes hommes étaient solitaires, désoeuvrés, à l'abandon. Dés qu'ils ont vu ma voiture ils ont fondu sur moi, et moi j'avais peur d'eux , enfermée dans ma voiture. Il n'y avait aucune agressivité mais un appel au secours :"aidez-nous!" J'ai donc ouvert ma vitre (un peu) pour dire "que voulez-vous que je fasse?.- Madame, vous pouvez nous aider à écrire une lettre? - Oui, à condition que vous trouviez du papier, que vous me dictiez la lettre et un endroit où je puisse écrire le brouillon." Ce fut fait. Mais un salarié(animateur de métier) m'a demandé si je n'exagérais pas! je lui ai répondu que la lettre était un brouillon et qu'elle était adressée à la mairie. La mairie est en mesure de savoir que répondre à la demande, non?" le local fut ré-ouvert. Je suis allée avec du matériel pour le nettoyer et là, une dame "bien-mise-de-sa-personne" m'a demandé ce que je venais faire ici, puisque je n'était pas du quartier. "Voir où passe mes impôts et parce qu'en France il n'y a pas de ghetto." De nouveau le lendemain même acteurs. La question cette fois-ci fut "Ici, c'est un point "Ecoute Jeunes", vous n'êtes pas jeune, que venez-vous faire ici ?" et ma réponse fut : "en France la société est mixte, la mairie n'offrira jamais un chaperon aux jeunes filles qui viendront ici. Je veux que les mères des jeunes filles sachent qu'elles peuvent laisser leurs filles venir en confiance, il y a une grand-mère qui veillera sur elles" Puis le local a pris sa vitesse de croisière et j'y allais le mercredi après-midi. Mais les jeunes hommes n'avaient aucune proposition, aucun intérêt, rien ne semblait les intéresser. Après 3 mois d'effort pour faire bouger les choses, je leur ai dit que je ne viendrai plus. Stupéfaction et réflexion:"Madame, vous ne pouvais pas. - Pourquoi ne puis-je pas partir?- Parce que vous êtes salariée et que ce n'est pas le salarié qui peut dire ce qu'il fait ou pas. - Non, je ne suis pas salariée, et vous êtes tellement lourds que je suis épuisée. Si vous ne comprenez pas qu'il faut saisir sa chance lorsqu'elle arrive tant pis pour vous, je me casse. Il y a un temps pour tout." Et je n'y ai plus remis les pieds pendant 7 mois, date où je suis revenue leur signaler que le Théléthon se mettait en place et qu'ils avaient la possibilité de faire connaître leur talent. Ce furent les jeunes filles et leurs mères qui ont fait une vraie fête et ce fut le début de leur entrée dans la vie de la localité. 3ième leçon vers la démocratie.
J'ai fait encore beaucoup de scandales mais ce n'est que pour montrer qu'il est possible d'agir.
Soulever l'espérance chez les humains n'est pas chose aisée. Mais la phrase de Richard Wurmbrand est vraie : " l'espoir le plus dépourvu de fondement est plus fondé que le désespoir le plus raisonnable."